Fatigue, troubles de l’attention, dépression ou anxiété… et si notre assiette y était pour quelque chose ? Alors que la santé mentale est déclarée Grande Cause Nationale en 2025, de plus en plus d’experts alertent sur un facteur clé encore peu pris en compte : l’alimentation. En France, près de 80 % des cerveaux seraient en situation de dénutrition selon les dernières recherches. Un chiffre qui interroge, alors que les troubles psychiques explosent.
Ces dernières années, la recherche scientifique a fait un bond considérable dans la compréhension du lien entre cerveau, alimentation et microbiote intestinal. Ce dernier, souvent appelé « deuxième cerveau », abrite des milliards de bactéries qui jouent un rôle clé dans le fonctionnement du système immunitaire, la régulation de l’humeur et la production de neurotransmetteurs. Une altération du microbiote est désormais associée à un risque accru de troubles comme la dépression, les troubles de l’attention, le stress ou encore les troubles du sommeil.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon une étude relayée par France Info, une alimentation riche en produits ultra-transformés augmente de 21 % le risque de dépression. Or, en France, plus de 35 % des apports alimentaires quotidiens proviennent de ce type de produits, souvent pauvres en nutriments essentiels comme les oméga-3, le zinc, le magnésium, les vitamines B9 et D. Pour le docteur Guillaume Fond, ces carences peuvent altérer la régulation de l’humeur, réduire les capacités de concentration et exacerber les symptômes d’irritabilité ou de fatigue mentale.
Des troubles psychiques en hausse, des causes complexes
Le lien entre malnutrition cérébrale et souffrance psychique devient d’autant plus préoccupant que la santé mentale des Français continue de se dégrader. En 2024, 53 % déclarent avoir connu une souffrance psychique au cours de l’année écoulée. Chez les jeunes, le chiffre est encore plus alarmant : 1 adolescente sur 4 présente un trouble du comportement alimentaire, selon les dernières données de Santé publique France.
Les troubles anxieux et dépressifs sont en tête des consultations psychiatriques, et les prescriptions d’antidépresseurs ne cessent d’augmenter. Pourtant, rares sont les médecins généralistes ou psychiatres à interroger le contenu de l’assiette de leurs patients et patientes. Dans une médecine encore très médicamenteuse, la nutrition reste marginale, voire absente, de la prise en charge des troubles psychiatriques.
La psychonutrition : une discipline émergente encore peu reconnue
C’est pourtant dans ce vide médical que se développe la psychonutrition, une discipline qui s’appuie sur les données issues de la neurobiologie, de la psychiatrie et de la nutrition pour proposer une approche préventive des troubles psychiatriques. Les effets positifs du régime méditerranéen — riche en fruits, légumes, légumineuses, huiles végétales et poissons gras — sont aujourd’hui documentés. Ce régime permettrait non seulement de réduire l’intensité des symptômes anxieux et dépressifs, mais aussi de prévenir le déclin cognitif et certaines maladies neurodégénératives comme Alzheimer.
La Fondation Alzheimer recommande désormais ce type de régime à titre préventif, tandis que des hôpitaux en Suisse, au Japon ou aux États-Unis expérimentent des parcours de soins intégrant la nutrition dans la prise en charge psychiatrique. En France, les initiatives existent mais restent à la marge. Il n’existe, à ce jour, aucun remboursement des consultations en psychonutrition, ni aucun protocole officiel de prise en charge intégrant l’alimentation dans les troubles psychiatriques.
Une urgence de santé publique face à un système alimentaire en crise
L’industrialisation de notre alimentation n’est pas sans conséquence. L’exposition quotidienne à des aliments ultra-transformés — riches en sucres rapides, acides gras saturés, additifs et pesticides — crée une inflammation chronique de bas grade dans l’organisme, y compris au niveau cérébral. Cette inflammation est un facteur aggravant connu de nombreuses pathologies mentales et neurologiques. Les enfants en bas âge, dont le cerveau est encore en développement, sont particulièrement vulnérables.
Les chercheurs ont également observé un lien entre le microbiote altéré et certains troubles du neurodéveloppement. Les différences de microbiote intestinal sont par exemple étudiées chez les enfants autistes, bien que le lien de causalité ne soit pas encore formellement prouvé. Ces découvertes ouvrent néanmoins de nouvelles pistes pour mieux comprendre les origines de certaines pathologies.
Vers une politique alimentaire plus ambitieuse pour la santé mentale ?
Si l’alimentation est désormais reconnue comme déterminante dans les maladies cardiovasculaires, l’obésité ou le diabète, elle ne l’est toujours pas pour la santé mentale. En cette année 2025, déclarée Grande Cause Nationale, plusieurs associations demandent que les politiques publiques en santé mentale intègrent enfin la nutrition dans les stratégies de prévention. Cela passe par une meilleure formation des professionnels de santé, l’intégration de la psychonutrition dans les parcours de soins et une réglementation plus stricte sur les produits ultra-transformés.
Des campagnes d’éducation alimentaire pourraient également voir le jour, à destination des jeunes et des publics fragiles, pour développer des réflexes simples : cuisiner maison, privilégier les aliments bruts, diversifier les apports. La santé mentale commence aussi par la cuisine.
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Écrit par Laure ROUSSELET
*Source image: Banque d'images libre de droits - CANVA
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