Quand s’habiller devient un véritable défi pour les personnes en situation de handicap
S’habiller peut sembler un geste simple, mais pour de nombreuses personnes en situation de handicap, cela représente un véritable défi quotidien. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 1,3 milliard de personnes dans le monde vivent avec un handicap, soit une personne sur six.
En France, les données de la DREES (2021) estiment à 7,6 millions le nombre de personnes âgées de 15 ans ou plus vivant à domicile pour qui certaines tâches de la vie courante, comme l’habillage, demandent plus de temps, d’effort ou nécessitent des aménagements spécifiques. Ces réalités, souvent invisibles, concernent toutes les tranches d’âge et recouvrent une grande diversité de situations.
Enfiler un t-shirt, attacher une fermeture éclair ou boutonner une chemise peut, dans certains cas, devenir une opération complexe. Douleurs articulaires, amplitude de mouvement réduite, hypersensibilité cutanée, fatigabilité accrue ou encore difficultés de coordination motrice sont autant de facteurs qui transforment ce geste en parcours d’obstacles. Pourtant, la majorité des vêtements vendus dans le commerce sont conçus selon des standards physiques implicites : fermetures situées dans le dos, coupes ajustées, tissus rigides, enfilage debout… Autant de détails qui passent inaperçus pour beaucoup mais qui peuvent rendre l’habillage long, inconfortable, voire impossible sans aide.
Pour répondre à ces contraintes, l’industrie textile développe de plus en plus de vêtements dits adaptatifs. Contrairement aux pièces classiques, ils sont conçus dès l’origine pour faciliter l’habillage, réduire les contraintes posturales et minimiser les frottements. Les solutions techniques sont variées : ouvertures latérales discrètes pour éviter de lever les bras, boutons magnétiques remplaçant les boutonnières traditionnelles, fermetures éclair manipulables d’une seule main, coutures plates pour limiter les irritations, ou tissus souples et respirants adaptés aux variations corporelles. L’objectif n’est pas seulement fonctionnel : il s’agit aussi de proposer des vêtements esthétiques, actuels et alignés sur les tendances, afin que chacun·e puisse affirmer son style tout en bénéficiant d’un confort optimal.
Le marché mondial des vêtements adaptatifs en forte hausse
Selon Coherent Market Insights, il pourrait passer de 18,5 milliards de dollars en 2025 à 32,1 milliards de dollars en 2032, avec un taux de croissance annuel moyen supérieur à 8 %. D’autres études, sur des segments plus restreints, avancent des chiffres plus modestes, comme 1,6 milliard de dollars en 2024 selon Verified Market Research. Ces écarts s’expliquent par la diversité des périmètres étudiés, mais toutes les analyses convergent sur un point : la demande augmente, portée par le vieillissement de la population, l’évolution des besoins et une prise de conscience accrue des enjeux d’accessibilité.
En France, l’offre reste encore limitée et souvent peu visible en magasin physique, la plupart des options étant disponibles en ligne. Les prix peuvent être plus élevés que ceux du prêt-à-porter standard, en raison de volumes de production réduits, de procédés de fabrication spécifiques et du recours à des matériaux techniques ou hypoallergéniques.
La mode adaptative ne s’adresse pas uniquement aux personnes en situation de handicap. Elle répond également aux besoins des personnes âgées, des femmes enceintes, de celles en convalescence, ou de toute personne recherchant davantage de facilité et de confort dans l’habillage. Concevoir des vêtements inclusifs dès la phase de création — plutôt que d’ajouter une gamme “spéciale” distincte — permet de proposer des modèles adaptés à une diversité de morphologies et de situations, tout en évitant la stigmatisation.
Plusieurs grandes enseignes internationales se sont positionnées sur ce marché. Tommy Hilfiger Adaptive intègre des fermetures magnétiques, des zips utilisables d’une seule main et des ourlets ajustables. Target, avec ses gammes Cat & Jack et Universal Thread, propose des vêtements à habillage simplifié à prix abordable. Zappos Adaptive centralise sur sa plateforme une large sélection de vêtements et chaussures faciles à enfiler, parfois équipés d’ouvertures intégrales ou de systèmes de fermeture innovants. En France, l’association Cover-Dressing, avec son label Bien à porter, repère et valorise les vêtements naturellement inclusifs déjà présents dans les collections grand public.
À côté des grandes marques, de jeunes créateurs et start-up explorent de nouvelles approches : co-conception avec les utilisateurs, utilisation de textiles recyclés ou hypoallergéniques, fabrication locale pour réduire l’empreinte carbone et raccourcir les délais de production. Ces initiatives prouvent que l’accessibilité peut aller de pair avec l’esthétique, la durabilité et la rentabilité.
À long terme, intégrer l’accessibilité dans l’offre courante pourrait transformer la façon dont l’industrie de la mode conçoit et distribue ses produits. La mode adaptative n’est pas un marché de niche : c’est une réponse nécessaire à un besoin universel, celui de pouvoir s’habiller avec autonomie, confort et style, quelles que soient ses capacités physiques.
De Laure ROUSSELET
*Source image: banque d'image libre de droits - CANVA
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