La maternité des Lilas ferme ses portes définitivement
Lieu emblématique de l’accouchement respectueux et des luttes féministes, la maternité des Lilas a définitivement fermé ses portes le 31 octobre 2025, après plus de soixante ans d’activité. Implantée en Seine-Saint-Denis, elle accueillait chaque année des centaines de femmes venues chercher un suivi bienveillant et un accouchement moins médicalisé.
Créée en 1964 aux Lilas en Seine-Saint-Denis, cette maternité atypique s’est rapidement imposée comme un pionnier de l’accouchement physiologique. Inspirée par les méthodes Lamaze, elle plaçait les femmes au centre du soin, refusant la médicalisation à outrance et promouvant des pratiques alternatives comme l’acupuncture, le chant prénatal ou le suivi psychologique. Elle fut aussi l’un des bastions du droit à l’avortement, le pratiquant bien avant la loi Veil de 1975. Engagée, féministe, bienveillante, la maternité des Lilas a marqué plusieurs générations de soignantes et de mères.
Fermeture de la maternité des Lilas : un symbole de la naissance respectée disparaît
Depuis plus de dix ans, l’établissement fonctionnait sous la menace d’une fermeture. L’Agence régionale de santé d’Île-de-France a justifié sa décision finale par une baisse d’activité avec moins de 1 000 accouchements en 2023, un déficit budgétaire et la non-certification par la Haute Autorité de santé. Mais pour les personnels et les habitantes, il s’agit avant tout d’un abandon politique. L’État s’était engagé dès 2013 à reconstruire la maternité dans un bâtiment neuf, promesse jamais tenue.
Le maire des Lilas Lionel Benharous parle d’un gâchis organisé, quand les soignantes dénoncent la disparition d’un lieu où les femmes étaient entendues. Pour de nombreuses patientes, cette maternité offrait une alternative rare à un système parfois vécu comme intrusif, impersonnel ou maltraitant. Le 30 octobre, elles étaient des centaines à manifester leur attachement à ce lieu, entre colère et tristesse.
La fermeture de la maternité laisse un vide dans un territoire déjà sous-doté. Les femmes enceintes devront désormais accoucher à Montreuil, Bobigny ou Paris dans des structures surchargées. Ce départ forcé vers des maternités plus grandes, parfois à plus de 30 minutes de route, aggrave les risques d’accouchement imprévu, de stress, voire de complications. Pour certaines, c’est un retour à l’angoisse avec la peur d’accoucher hors d’un lieu sûr.
Accoucher en Seine-Saint-Denis devient un parcours de plus en plus inégal
La Seine-Saint-Denis est l’un des départements les plus jeunes et les plus pauvres de France. Pourtant, il souffre d’un déficit chronique de professionnels avec moins de gynécologues, moins de sages-femmes, moins de suivi global. La maternité des Lilas était un îlot de proximité et d’écoute dans un paysage médical en tension. Son remplacement par un simple centre de santé sexuelle sans possibilité d’accoucher est jugé très insuffisant par les collectifs féministes et syndicaux.
Depuis 1975, le nombre de maternités a été divisé par trois avec 1 369 établissements à l’époque contre moins de 470 aujourd’hui. Cette concentration, motivée au départ par des critères de sécurité, s’est poursuivie pour des raisons économiques. Mais elle engendre un éloignement croissant des lieux de naissance. Plus de 6 millions de personnes vivent à plus de 30 minutes d’une maternité. Le risque d’accouchement hors structure médicalisée y est deux fois plus élevé.
L’État invoque des contraintes budgétaires. Pourtant, dans un pays où 99% de la population bénéficie d’une couverture santé et où l’accès aux soins est un principe fondateur, cette fermeture interroge. Le Ségur de la santé a promis 8 milliards pour sauver l’hôpital. Mais qu’en est-il de la naissance en tant que droit et en tant qu’expérience humaine. La France, qui se targue d’un système de santé solidaire, voit s’accroître les inégalités territoriales et sociales en matière de périnatalité.
À ce recul s’ajoute une incertitude persistante du côté du personnel. Une partie d’entre eux pourrait être redéployée dans d’autres établissements franciliens, notamment dans les maternités voisines, mais sans garantie de maintien des conditions de travail ni du projet de soins porté jusque-là. Certaines professionnelles envisagent déjà des reconversions ou des départs, dénonçant un effacement brutal de leur expertise. Dans un contexte de crise hospitalière, marqué par des tensions de recrutement dans les maternités et une démobilisation des soignants, la fermeture des Lilas vient aggraver une fracture entre politique de santé et terrain.
De Laure ROUSSELET
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