Le gouvernement prévoit une réforme des ARS qui risque de remettre en cause les droits des personnes en situation de handicap
Le gouvernement a annoncé une réforme des Agences régionales de santé prévoyant le transfert de plusieurs compétences vers les départements et les préfectures. Plusieurs associations, collectifs et 11 anciens ministres de la Santé dénoncent cette réorganisation qui pourrait fragiliser l’accès aux droits et aux soins des personnes en situation de handicap.
La réforme intervient dans un paysage marqué par une hausse continue des demandes adressées aux Maisons départementales des personnes handicapées. Plus de 1,8 million de demandes ont été déposées en 2023, avec des délais d’instruction allant de trois à plus de huit mois selon les départements. Plus de 6,2 millions de personnes bénéficient d’au moins un droit ouvert et près de 14,5 millions de Français déclarent une limitation fonctionnelle, ce qui illustre l’ampleur des besoins de compensation et d’accompagnement.
En parallèle, les difficultés de recrutement dans le médico-social, la saturation des établissements spécialisés et l’augmentation de 30 pour cent des besoins en santé mentale depuis 2020 renforcent la pression exercée sur le système. Les familles rencontrent régulièrement des ruptures de parcours, des listes d’attente dépassant deux ans dans certaines structures et des disparités territoriales marquées dans la prise en charge de l’autisme ou dans l’aide humaine.
Rôle et organisation des Agences régionales de santé
Créées en 2010, les Agences régionales de santé pilotent l’organisation territoriale de la santé publique. Elles coordonnent l’offre sanitaire et médico-sociale, autorisent les établissements, régulent l’installation des professionnels et assurent la gestion des crises sanitaires. Les ARS représentent plus de 40 milliards d’euros de dépenses annuelles et supervisent environ 30 000 structures sanitaires et médico-sociales. Elles planifient également l’ouverture de places en établissement, la création de services d’accompagnement à domicile et l’organisation de la permanence des soins dans un contexte où près de neuf millions de personnes vivent dans un désert médical.
Les ARS garantissent l’équité territoriale dans l’accès aux soins et coordonnent les politiques nationales en matière de santé. Elles harmonisent les pratiques entre départements, évitent les disparités locales dans l’accompagnement des personnes vulnérables et assurent un pilotage homogène des politiques publiques. Elles sont également essentielles dans la régulation des situations de crise, notamment les épidémies saisonnières ou les épisodes climatiques extrêmes, et jouent un rôle majeur dans l’accès aux soins urgents, la lutte contre les inégalités de santé et la planification de l’offre médico-sociale.
Transfert des compétences des ARS vers les départements et les préfectures
Le projet gouvernemental prévoit un transfert de missions aujourd’hui pilotées par les ARS vers les départements et les préfectures. Ce changement aurait pour conséquence de modifier l’équilibre national entre les acteurs publics, en confiant aux collectivités des responsabilités jusque-là assurées par une structure nationale unifiée. Les documents transmis en concertation indiquent un renforcement du rôle des préfets dans la planification de l’offre de soins, ainsi qu’un recentrage du pilotage sanitaire au niveau local.
Les associations et plusieurs experts soulignent que cette évolution transformerait en profondeur le fonctionnement des MDPH, qui reposent actuellement sur une coordination entre État, ARS et départements. La réforme pourrait restructurer cette gouvernance sans garantir d’harmonisation nationale ni de moyens supplémentaires pour absorber l’augmentation continue des demandes.
Les associations mettent en garde contre une hausse prévisible des écarts territoriaux. Dans un cadre où les départements disposent de moyens financiers très différents et arbitrent selon leurs propres priorités, la reconnaissance des droits pourrait devenir encore plus variable d’un territoire à l’autre. Les disparités actuelles sont déjà marquées dans la prestation de compensation du handicap, dans l’accompagnement scolaire ou dans l’accès à l’aide humaine.
Une fin d'accompagnement inévitable ?
La fragmentation du pilotage risque d’alimenter des situations de rupture d’accompagnement, alors que les MDPH ont déjà des difficultés de recrutement et des charges administratives croissantes. Les délais pourraient s’allonger davantage, notamment pour les demandes complexes ou les situations nécessitant une coordination pluridisciplinaire. Les associations rappellent que la stabilité des dispositifs est indispensable à plus de 600 000 enfants en situation de handicap et à un nombre croissant d’adultes dépendants d’accompagnements spécialisés.
Les anciens ministres de la Santé alertent également sur la perte possible de cohérence dans les politiques de santé publique. Ils rappellent qu’un pilotage fragmenté peut entraîner des choix locaux contradictoires, une compétition entre territoires et un affaiblissement de la capacité à réguler l’offre de soins. Dans un pays où les besoins en santé mentale, en inclusion scolaire et en accompagnement de l’autonomie augmentent fortement, la cohérence nationale est considérée comme une condition essentielle de sécurité et de justice sociale.
Les organisations du secteur demandent au gouvernement de maintenir un pilotage national solide, d’assurer une harmonisation des pratiques et d’éviter toute rupture dans l’accès aux droits. Elles rappellent que la réponse aux besoins des personnes en situation de handicap nécessite un cadre cohérent, des moyens renforcés et une coordination claire entre les institutions. Les discussions se poursuivent, mais les inquiétudes restent fortes quant aux conséquences de la réforme sur l’égalité d’accès aux droits et aux soins.
De Laure ROUSSELET
*Source image: © MAXIME LEONARD / Hans Lucas
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