En France, l’eau potable menacée par un gaz cancérogène

En France, deux associations ont saisi la justice pour alerter sur la présence d’un gaz cancérogène dans l’eau potable. Le Comité citoyen de la Sarthe et France Nature Environnement ont déposé, le 27 octobre 2025, un recours devant le tribunal administratif de Nantes afin de contraindre l’État à agir face au chlorure de vinyle monomère (CVM), détecté dans plusieurs communes.

Utilisé dans les canalisations en PVC installées depuis les années 1970, ce composé chimique menace aujourd’hui la santé de milliers de Français, alors que les autorités tardent à cartographier et à remplacer les réseaux contaminés.

L’eau du robinet, symbole de sécurité sanitaire en France, soulève désormais une inquiétude majeure. Deux associations ont saisi la justice pour dénoncer la présence persistante du chlorure de vinyle monomère (CVM), gaz cancérogène détecté dans certaines canalisations d’eau potable. L’affaire révèle des failles dans la politique de santé publique et interroge la capacité des pouvoirs publics à garantir la sécurité des citoyens face à un risque connu depuis plusieurs décennies.

Des réseaux d’eau anciens à l’origine du risque sanitaire

Le service public de l’eau repose sur un principe fondamental, celui de fournir une eau saine et conforme aux normes européennes. Des réseaux de distribution posés entre les années 1960 et 1980 libèrent du CVM, substance utilisée pour fabriquer le PVC des conduites. Classé cancérogène certain par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) depuis 1987, le CVM provoque des cancers du foie et d’autres pathologies graves. La directive européenne impose depuis 1998 une limite maximale de 0,5 microgramme par litre dans l’eau potable. Des analyses ont pourtant mis en évidence des dépassements massifs, jusqu’à 738 µg/l en Dordogne, soit plus de 1 400 fois la valeur autorisée. Ces résultats traduisent un problème structurel lié à l’ancienneté des réseaux et à l’insuffisance du contrôle sanitaire.

Les estimations confirment l’ampleur du phénomène. Entre 140 000 et 340 000 kilomètres de canalisations en PVC présentent un risque de relargage de CVM, soit près de 30 % du réseau français. Environ deux millions de personnes subiraient une exposition supérieure à la norme. L’absence de cartographie nationale des conduites concernées empêche d’évaluer précisément la contamination. Les agences régionales de santé (ARS) assurent les contrôles selon des protocoles différents d’une région à l’autre, sans publication systématique des résultats. Certaines se concentrent sur des zones identifiées comme sensibles, d’autres réalisent des prélèvements aléatoires, ce qui empêche toute vision globale. Des dépassements répétés peuvent ainsi persister pendant plusieurs années sans intervention.

Deux associations, le Comité citoyen de la Sarthe et France Nature Environnement, ont déposé un recours le 27 octobre 2025 devant le tribunal administratif de Nantes. Leur demande vise à contraindre l’État à agir en urgence. Le recours requiert trois mesures principales. La première concerne la mise en place d’une cartographie nationale des conduites en PVC susceptibles de libérer du CVM. La deuxième appelle à un programme de remplacement des canalisations les plus anciennes. La troisième exige une information complète des populations exposées.

Les associations dénoncent une inertie institutionnelle, malgré les alertes scientifiques disponibles depuis plus de vingt ans. Le silence de l’État est perçu comme une violation du principe de précaution inscrit dans la Constitution et de son obligation de protection sanitaire envers la population.

Un enjeu sanitaire et territorial

L’enjeu dépasse la dimension juridique pour toucher la santé publique et la cohésion territoriale. Les zones rurales concentrent une part importante des réseaux anciens, souvent peu entretenus, où la circulation lente de l’eau accroît la concentration en CVM. Ces territoires disposent rarement de dispositifs alternatifs pour l’approvisionnement ou l’analyse de l’eau. Les enfants et les personnes en situation de handicap figurent parmi les populations les plus vulnérables face à une exposition prolongée à des substances cancérogènes. Aucune mesure nationale de prévention spécifique n’a encore été annoncée pour ces publics.

Le remplacement intégral des conduites à risque représenterait un coût compris entre 12,6 et 30,6 milliards d’euros. L’opération nécessiterait un financement massif de l’État et des collectivités territoriales. L’absence de base de données centralisée empêche toute planification cohérente des travaux. Les autorités disposent d’un cadre réglementaire strict mais peinent à en assurer l’application uniforme sur l’ensemble du territoire. Cette fragmentation freine l’action publique et retarde la mise en conformité des réseaux.

La contamination au CVM illustre les limites du modèle français de gestion de l’eau potable. Le système repose sur une délégation partielle à des opérateurs privés et sur un contrôle public décentralisé, sans coordination nationale unifiée. Ce fonctionnement crée des angles morts dans la surveillance sanitaire. L’affaire pose une question essentielle sur la garantie pour chaque citoyen d’avoir accès à une eau réellement conforme aux standards de sécurité. Le dossier met en cause la capacité de l’État à anticiper les risques environnementaux et à protéger équitablement la population, indépendamment du lieu de résidence ou de la situation économique.

L’accès à une eau potable sûre représente un enjeu de justice environnementale et sociale. Les priorités doivent porter sur la modernisation des réseaux, la transparence des contrôles et l’information des usagers. Une politique volontariste constitue la seule garantie d’un accès égal à une ressource vitale. Chaque foyer, y compris les plus isolés ou les plus modestes, doit pouvoir consommer une eau sans danger, conformément au droit fondamental à la santé.

Source image : Franceinfo / Le Monde / L’Express

De Laure ROUSSELET

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